Le 23 août 2019, à la veille de l’ouverture du G7 à Biarritz, le président Emmanuel Macron déclarait « Un écocide est en train de se développer à travers l’Amazonie, et pas seulement au Brésil. »
Pourtant, un an plus tard, le 29 juin 2020, le président de la République, annonçait à l’Elysée aux 150 participants de la convention citoyenne pour le climat qu’il ne reprendrait pas leur proposition d’inscrire le terme d’« écocide » dans le droit français sous prétexte qu’elle ne pouvait entrer tel quelle dans le droit français. En effet, les citoyens proposaient d’adopter une loi pénalisant le crime d’écocide dans le cadre des neuf limites écologiques planétaires, dont l’érosion de la biodiversité, le changement climatique ou encore le changement d’utilisation des sols (https://www.conventioncitoyennepourleclimat.fr/). M. Emmanuel Macron était quand même d’accord pour mener la bataille à l’international en précisant « il faut faire en sorte d’inscrire ce terme dans le droit international pour que les dirigeants qui sont chargés par leurs peuples de protéger le patrimoine naturel et qui faillissent délibérément rendent compte de leurs méfaits devant la Cour pénale internationale ».
Le lundi 23 novembre, nouvelle pirouette, les deux ministres de la transition écologique et de la justice, Mme Barbara Pompili et M. Eric Dupond-Moretti, ont expliqué aux mêmes citoyens vouloir « éradiquer le banditisme environnemental » à l’aide de nouvelles dispositions textuelles, ainsi que des modifications institutionnelles du droit national ! Mais, en lieu de crime d’écocide, leur proposition est la « création d’un délit transversal sanctionnant la négligence-imprudence-manquement à une obligation de sûreté conduisant à une pollution des eaux ou des sols (délit d’écocide) ».
L’amertume est forte chez les citoyens de la Convention comme l’a expliqué au journal Le Monde Guy Kulitza, puisque la notion de crime a été réduite à celle de délit et encore limitée aux seules pollutions des eaux ou des sols. L’une des juristes qui ont accompagné les conventionnels dans leurs travaux et au ministère, Mme Marine Calmet, présidente de Wild Legal (https://www.wildlegal.eu/), se montrait plus dure, dénonçant un texte « très éloigné de l’ambition d’origine ». « Le coup de poker consistant à renommer le “délit d’atteinte à l’environnement” en “délit d’écocide” n’est pas digne de l’espoir que les citoyens ont placé en la parole du président et en ce gouvernement. » Et d’ironiser sur les propos d’Emmanuel Macron sur la forêt amazonienne : « La définition proposée par ses ministres ne permettrait même pas de poursuivre la destruction de forêts sur le territoire français, ce qui montre bien que cette mesure n’est pas à la hauteur des enjeux de ce siècle. »
Le 27 novembre 2020, la sixième réunion du Conseil de défense écologique créée en mai 2019 après le Grand débat national ayant fait suite à la crise des Gilets jaunes, n’a pas fait d’annonce fracassante comme lors des précédentes réunions (Suspension du projet Montagne d'or en Guyane, abandon du projet Europacity, protection du Mont-Blanc, la fin des chaudières au fuel) bien que cette réunion marque le troisième anniversaire du tweet de M. Emmanuel Macron annonçant l'interdiction du glyphosate « au plus tard dans trois ans »… Pour M. Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France, ce conseil de défense écologique illustre « la paralysie du pouvoir sur les enjeux écologiques ». « En lieu et place de réformes systémiques pour décarboner l'économie (par exemple un abandon ferme de tous les projets d'extension d'aéroports), on assiste à un détricotage en règle des travaux de la Convention citoyenne, particulièrement sur l'aérien et la rénovation thermique ».
Aujourd’hui donc, les deux ministres comptent donc « éradiquer le banditisme environnemental » en créant deux nouveaux délits, l’un visant la pollution et l’autre la mise en danger de l’environnement, la réforme renonce de fait à criminaliser au sens strict y compris les plus graves atteintes à l’environnement. Comme le précise M. Grégory Salle Chargé de recherche au CNRS-Lille, les ministres galvaudent le concept d’écocide en s’évertuant à mentionner un « délit d’écocide », l’expression ne pouvant convaincre tant elle apparaît théoriquement contradictoire et pratiquement inappropriée. En effet, il existe déjà de nombreux délits environnementaux épargnés par le slogan « tolérance zéro ».
Ainsi, un sujet que nous connaissons bien à Saint-Mandrier, celui de la dégradation, voire de la destruction de l’herbier de posidonie par le réensablement de nos plages de galets, la pollution par le rejet d’eaux non traitées ou javélisées ( !), le mouillage des yachts de grande plaisance hors des zones autorisées. Porter atteinte à cette plante sous-marine, protégée en France depuis 1988, en raison de son caractère vital pour l’écosystème méditerranéen, est une infraction définie par le code de l’environnement, passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. L’impunité a, depuis, régné en la matière.
Pour en savoir plus sur le sujet :
Positivr: interview-environnement-pourquoi-faut-il-creer-un-crime-decocide/
Reporterre: Convention-climat-C-est-le-moment-de-reconnaitre-le-crime-d-ecocide
Mediapart: marine-calmet-le-delit-d-ecocide-est-un-tres-mauvais-signal?onglet=full
Le Monde: le-gouvernement-transforme-l-ecocide-en-delit-environnemental_6060932_3244.html
Ouest-france: environnement/climat/projet-de-loi-climat-des-arbitrages-sous-haute-tension-7065080