Ah, la douce existence du cormoran moderne. Autrefois, c’était poissons, rochers et horizon dégagé. Aujourd’hui, c’est sardines, sacs plastique et parfums au carburant, édition spéciale port urbain 2025.
Je me perche sur les rochers au bout de la digue, en sortie de port, comme d’habitude. Sauf que désormais, j’ai vue panoramique sur le grand parc d’attractions des déchets flottants. À la surface, ça brille presque autant que le décor de Noël en cours d’installation, sauf que ce ne sont pas des guirlandes, mais des bouts de plastique et des films d’hydrocarbures.
La navette passe, les voitures défilent, tout le monde fait sa petite vie. Moi, je les regarde de loin, entre deux plongées dans ce bouillon de culture chimique. Avant d’ouvrir mes ailes pour sécher mes plumes au moindre rayon de soleil, j’ai droit à mon rituel : décrassage intensif des plumes, version « spa au gasoil ». Personne ne mettrait un orteil là-dedans, mais pour pêcher, il faut bien s’y coller.
L’eau a l’air froide et claire, si on ne regarde pas trop longtemps, presque propre vue que c’est la saison où le phytoplancton est plutôt timide. Mais en y regardant de près, c’est le festival: plastiques, débris, macro/micro-morceaux de civilisation qui flottent au milieu des méduses Pelagia, et au fond ce n’est pas mieux. Un joli voile de carburant complète le tout en recouvrant quasiment toute la surface du port, une ambiance parfum « eau de port 95 octane ». Un petit arc-en-ciel à la surface, très instagrammable, si on oublie que ça tue tout ce qui vit dessous, lentement mais surement...
Alors oui, la vie de cormoran, c’est sympa. Mais si les humains pouvaient éviter de transformer mon terrain de pêche en décharge flottante, ce serait encore mieux. En attendant, je pose, ailes déployées : « édition limitée, dernier cormoran avant rupture de stock ».
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