L’arrêté préfectoral du 12 décembre 2020 (voir notre précédent article) interdisait la commercialisation des moules et huitres élevées et récoltées dans la baie du Lazaret à la suite du dépassement du seuil de 4 600 Escherichia coli/100g CLI. Comme nous l’indiquions dans notre information précédente sur ce sujet, le préfet du Var vient de nous transmettre un nouvel arrêté levant son interdiction de collecte et de commercialisation (arrêté du 19 décembre 2020).
A ce sujet, M. Vincent comme à son habitude est « en colère » contre l’APE et son président. Et pourquoi donc ? Parce que l’APE a cosigné avec MART, l’UDVN et FNE-83 un courrier adressé à M. le Préfet lui demandant de prendre en compte la proposition de classement établi par Ifremer sur la base des résultats de contrôles microbiologiques des moules de la rade.
En effet, l’arrêté préfectoral décennal, datant de 2009, place la baie du Lazaret en zone de classe B. « En zone B les mollusques bivalves vivants ne peuvent être récoltés et mis sur le marché pour la consommation humaine qu'après avoir subi un traitement dans un centre de purification ou après reparcage en vue de satisfaire aux normes sanitaires ». Les Mandréens se souviendront à ce sujet de l’ancien site de la Marinière à Pin Rolland où les moules de la rade de la rade étaient ainsi stabulées avant leur commercialisation grâce à des bassins alimentés par un pompage d’eau en mer ouverte. Le site est maintenant un centre de vacances.
A partir des résultats des contrôles microbiologiques mensuels, Ifremer, appliquant une méthode de calcul nationale et européenne [Ref. Règlement UE], conclut à un classement C de la baie du Lazaret pour les années allant de 2014 à 2019. Le classement C définiune zone dans laquelle les coquillages peuvent être récoltés mais ne peuvent être mis sur le marché pour la consommation humaine qu'après un reparcage de longue durée dans une zone agréée à cet effet ou après traitement thermique dans un établissement agréé.
Ainsi, contrairement à ce qu’affirme M. Vincent, le classement C n’interdit donc pas la pratique mytilicole et ostréicole dans la baie du Lazaret.
Par ailleurs M. Vincent met en cause la qualité des résultats de mesure des bactéries effectuée par le laboratoire départemental des Bouches du Rhône et indique que des mesures bactériologiques d’auto-contrôle sont réalisées par TPM sur les eaux de la rade. Si, de notre côté, nous avons toute confiance dans les résultats du laboratoire régional qui les réalise, il serait bon alors que les données de TPM soient disponibles et accessibles à tous, en toute transparence, afin de lever toute ambigüité. M. Vincent indique également qu’une réunion a été organisée entre la Direction Départementale des Territoires et de la Mer et les mytiliculteurs, nous regrettons que les associations n’y aient pas été conviées.
En réalité et très concrètement, si ce courrier a été envoyé à M. Le Préfet c’est bien et uniquement parce que nous souhaitons que l’environnement marin de la rade s’améliore, que l’activité mytilicole s’y poursuive et que la santé des habitants de l’aire toulonnaise soit protégée. Rappelons d’ailleurs que l’APE, avec MART, est membre fondateur du Comité de baie.
Il faut que l’environnement marin de la rade s’améliore car il existe de toute évidence des sources de pollutions microbiologiques qui ne sont pas maitrisées et ce depuis des années. M. Vincent indique qu’il faut aller plus loin dans la recherche des causes de ces résultats d'analyses aberrants et non expliqués, il tenait déjà le même discours en 2014 [Ref. Var-Matin du 1er juillet 2014 qui titrait Mystérieuse Pollution de la Baie du Lazaret ... sic ! ] et alors même qu’un rapport d’Ifremer de novembre 2001 en faisait déjà état. Nous sommes en 2020, la France cinquième puissance mondiale, forte de son pôle de compétences de recherche océanographique ne saurait donc pas identifier les sources de pollution de notre rade et prendre toutes mesures pour les éliminer ?
Les contaminations microbiennes ne sont malheureusement pas une spécificité toulonnaise. En début d’année 2020, de nombreuses régions littorales ont été l’objet d’interdiction de commercialisation des coquillages pour cause de contamination. Grace à une production scientifique importante sur le sujet, la mécanique de ces pollutions est bien connue de tous, administration et producteurs. Un exemple parmi cent mille [Ref. Le Monde du 20 janvier 2020], le préfet du Morbihan, précisait en janvier dernier que l’épidémie de gastro-entérite associée à la consommation des produits de la mer était favorisée par les températures basses et de fortes pluies qui ont duré : « avec des eaux de ruissellement qui ont alimenté les stations d’épuration et les systèmes d’assainissement non collectifs, occasionnant parfois des débordements dans les rivières ». Dans une pétition, l’Alliance ostréicole du Morbihan pointait également que « Les élus du Morbihan se gargarisent d’accueillir toujours plus d’habitants et de touristes, signant des permis de construire à tour de bras tout en oubliant de veiller à la gestion des rejets humains et de l’assainissement ». Est-ce que les mêmes causes produiraient les mêmes effets dans la baie du Lazaret ?
Au-delà de la pollution des zones de productions locales, qu’il faut absolument protéger, il y va également et surtout de la santé de la population vivant autour de la rade, s’y baignant ou naviguant sur ses eaux. Nous citions récemment un symposium qui s’est tenu à Monaco qui dans son rapport rappelle que « Une étude récente sur les infections gastro-intestinales chez les surfeurs des plages près de San Diego, Californie, USA, a constaté que par temps pluvieux, il y avait une contamination élevée par les norovirus dans les eaux pluviales ruisselant jusqu’aux plages [Ref. Haile]. La fréquence des cas d’infections gastro-intestinales a augmenté chez les surfeurs pendant ces périodes de forte contamination [Ref. Arnold BF]. D’autres études sur les maladies gastro-intestinales chez les nageurs pendant les périodes de fort rejet d'eaux pluviales dans les environnements côtiers ont montré des corrélations entre l'incidence de la maladie et la proximité des émissaires d'eaux pluviales [Ref. Colford, Steele]. En effet, la concentration en Escherichia coli fait l’objet de contrôle car c’est une bactérie indicatrice des pollutions par des matières fécales et dont la présence à des niveaux élevés peut laisser suspecter la présence d’autres germes pathogènes comme les norovirus. Sur la présence de ces derniers, il n’y a aucune donnée récente disponible sur la rade.
Bref, M. Vincent après avoir accusé l’APE d’être responsable des incendies de forêts, de la pollution des plages, l’APE serait même co-responsable avec M. le Préfet du manque persistant de logements sociaux de la commune (5,01% en 2002 pour atteindre royalement 18 ans plus tard 6,2% en 2020), et donc que l’APE pourrait être également co-responsable, mais cette fois-ci avec les oiseaux, de l’arrêt de la mytiliculture. Ce sont pourtant bien les pollutions qui mettent cette activité en péril et surtout le fait que leurs sources n’ont pas été identifiées et traitées depuis des années puisque M. Vincent en recherche toujours l’origine mystérieuse depuis des années…
Vous l’aurez compris, c’est une technique bien connue que de rechercher un bouc émissaire et de lui faire endosser une responsabilité qu’il n’a pas. Suivant le dictionnaire, le phénomène du bouc émissaire peut émaner de motivations multiples et délibérées telles que l'évasion de responsabilité…
Mais n’en déplaise à M. Vincent, le cours de l’histoire continue sa marche inexorable. Ainsi, le Monde du 16 décembre 2020 titrait : « La santé environnementale doit devenir « une priorité du XXIe siècle », alerte un rapport parlementaire. La santé environnementale, comprendre les impacts qu’ont les humains sur l’environnement et, en effet boomerang, leurs conséquences sur la santé humaine, doit être « une priorité du XXIe siècle ». Tel est le message principal du rapport de la commission d’enquête parlementaire sur l’évaluation des politiques publiques de santé environnementale adopté mercredi 16 décembre par les députés. C’est le sens de l’action de l’APE.
Pour en savoir plus
- Règlement d’exécution (UE) 2019/627 de la Commission du 15 mars 2019 établissant des modalités uniformes pour la réalisation des contrôles officiels en ce qui concerne les produits d'origine animale destinés à la consommation humaine conformément au règlement (UE) 2017/625 du Parlement européen et du Conseil et modifiant le règlement (CE) no 2074/2005 de la Commission en ce qui concerne les contrôles officiels.
- Ifremer Evaluation de la qualité des zones de production conchylicole Départements des Bouches-du-Rhône, du Var et de la Haute-Corse. Edition 2020
- Haile RW, Witte JS, Gold M, et al. The health effects of swimming in ocean water contaminated by storm drain runoff. Epidemiology. 1999: 355–363.
- Arnold BF, Schiff KC, Ercumen A, et al. Acute illness among surfers after exposure to seawater in dry-and wet-weather conditions. American Journal of Epidemiology. 2017;
- Colford JM, Jr, Wade TJ, Schiff KC, et al. Water quality indicators and the risk of illness at beaches with nonpoint sources of fecal contamination. Epidemiology.
- Steele JA, Blackwood AD, Griffith JF, et al. Quantification of pathogens and markers of fecal contamination during storm events along popular surfing beaches in San Diego, California. Water Research. 2018; 136: 137–149.
- CESE Projet de rapport sur l’évaluation des politiques publiques de santé environnementale.
- Le Monde, 20 janvier 2020. Dans l’ouest de la France, les huîtres aussi ont la gastro-entérite… Plusieurs bassins de production de coquillages sont à l’arrêt dans le Morbihan et la baie du Mont-Saint-Michel à la suite de la contamination d’huîtres au virus de la gastro-entérite.
- Le Monde, 16 décembre 2020. La santé environnementale doit devenir « une priorité du XXIe siècle », alerte un rapport parlementaire.
- Var Matin, 1 juillet 2014 Mystérieuse pollution baie du Lazaret à La Seyne.