Dans le Mandréen d’avril 2021, M. Vincent indiquait qu’il « obligeait les ferries qui passent devant chez nous à utiliser un fioul bas niveau de soufre » et nous accusait d’être dans le verbe parce que nous parlions «de pollution par le trafic maritime auquel serait soumis les Mandréens ». En effet, cela fait plus de 20 ans que nous demandons de réduire la pollution atmosphérique insistant pour l’électrification des quais portuaires de l’ensemble de la rade et l’utilisation de combustibles moins polluants et décarbonés comme l’hydrogène !  

En réalité, M. Vincent n’est pour rien quant à une utilisation de combustible à bas niveau de soufre. En effet, depuis le 1er janvier 2020, afin d’être en conformité avec la directive européenne 2012/33 du 21 novembre 2012, les armateurs ont trois options : (1) utiliser du fuel plus raffiné contenant moins de 0.5% de soufre (LSFO), (2) équiper leurs navires de système de retraitement des gaz d’échappement en sortie de cheminée (scrubber) ou (3) basculer vers des modes de propulsion des navires moins polluants (électrique ou au GNL). (voir notre post à ce sujet : 1er janvier 2020 : Le fuel lourd est mort ! Vive le fuel lourd avec scrubber !).

Malheureusement, les navires équipés de scrubber peuvent utiliser, à quai ou en mer, du combustible marin dont la teneur en soufre est de 3,50 %, si le rapport d’émissions de SO2 (ppm)/émissions de CO2 (% v/v) est inférieur à 151,7.

Les photos que nous publions régulièrement sur les panaches de fumées des ferries circulant dans la rade et à proximité de la presqu’ile montrent que ce sont toujours des pollutions quotidiennes qui touchent directement l’air que nous respirons. Ce matin encore, les navires Mega Smeralda et Andrea ont quitté la rade en mêlant leurs panaches de fumées bien visibles de la côte, additionnant leurs polluants… Ceux-ci se sont dispersés dans l’atmosphère pour rejoindre notre littoral ou retomber en mer, polluant l’air, les sols, l’eau et les organismes vivants que nous sommes.

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Légende : Il était deux vieux petits navires Mega Smeralda et Andrea qui partaient en polluant en attendant Mega Regina …

Nous demandions depuis des années avec France Nature Environnement l’application de cette directive par anticipation comme nous soutenons la création d’une zone de faibles émissions en Méditerranée. En effet, des zones d’émission contrôlée (ECA : Emission Control Area) ont également été définies sur la base des contrôles de l’Organisation Maritime Internationale (OMI) pour minimiser les émissions d’oxydes de soufre (SOx), d’oxydes d’azote (NOx) et interdire toute émission délibérée de substances qui appauvrissent la couche d’ozone. Depuis 2011, il en existe quatre : en Manche, Mer du Nord, Baltique uniquement pour les émissions de soufre (SECA) et autour du Canada et des USA pour les émissions d’oxydes de soufre, d’azote et particulaires (ECA).

Depuis le 1er janvier 2015, les zones ECA ont vu le taux de soufre des carburants utilisés à bord des navires marchands réduit à 0,1 %, soit malgré tout une limite encore 10 fois supérieure à celle du diesel automobile.

C’est d’ailleurs, sur le papier une priorité du Premier ministre qui a présidé, le 22 janvier 2021, le Comité interministériel de la mer (CIMER) où il a développé des priorités autour d’une stratégie « tournée à la fois vers le renforcement des chaînes logistiques, vers la transition écologique et vers la transition numérique ». Ainsi, sous la rubrique « Favoriser le verdissement des transports maritimes, il annonce que plusieurs mesures ont été mises en œuvre pour agir en faveur d’un transport maritime décarboné et plus largement respectueux de l’environnement, de la construction des navires jusqu’à leur mode de fonctionnement. Cela permet de contribuer, à la mesure de notre flotte, à la prise en compte du fait que le trafic maritime mondial (plus de 50 000 navires) génère 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

La France soutient, au niveau de l’OMI, la création d’une zone de faibles émissions (zone ECA) en Méditerranée, c’est-à-dire une zone où le taux d’oxyde de soufre des carburants des navires ne peut excéder 0,1 %. La France porte également une mesure de réduction de la vitesse des navires afin de diminuer les émissions du transport maritime : réduire de 20% la vitesse d’un navire permettrait de diminuer de près d’un quart ses émissions de gaz à effet de serre ».

Nous ne pouvons qu’applaudir à l’annonce de ces priorités, cependant sur le terrain à Toulon nous assistons à une belle démonstration des limites du « en même temps » pour la préservation de l’environnement et de notre santé. En effet, au lieu de commander de nouveaux navires alimentés en GNL comme l’a fait le Groupe Costa, Corsica Ferries vient d’acheter à l’opérateur Viking Line, a un prix bradé compte tenu de son âge, le Mariella, mis en service le 18 mai 1985. Ce navire de 36 ans débutera ses rotations à partir de Toulon sous le nouveau nom de Méga Regina à partir de juin 2021 !

Restent les questions de pollution par la circulation autoroutière qu’entrainent les rotations de ces ferries et leur augmentation prévisible avec l’arrivée de Mega Regina qui concentrera dans notre secteur les 580 véhicules supplémentaires qu’il transportera, s’ajoutant au millier de véhicules déjà transportés par ses deux vieux sisterships Mega Smeralda et Andrea.

Dans un contexte d’accroissement des émissions de polluants, d’augmentation des températures et de très forte densité de la population côtière, pourquoi la Méditerranée et ses populations riveraines ne bénéficient-elles pas du même niveau de protection que nos concitoyens vivant sur les côtes de la Manche avec une ECA Méditerranée ?

Votre mobilisation à côté des associations et votre bulletin de vote restent donc toujours essentiels pour faire aboutir nos propositions pour protéger notre santé, quoi qu’en dise M. Vincent

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