Le 26 décembre 2024, BFM-Toulon reportait que l’exécutif de la Métropole Toulon Provence Méditerranée, appliquant sa politique environnementale habituelle, à savoir qu’il est urgent d’attendre en la matière, différait « l'entrée en vigueur de la Zone à faible émission (ZFE) à compter du 1er janvier 2025. Mais cette mesure, qui vise à interdire aux véhicules les plus polluants l'accès au territoire de la métropole, n'est plus jugée nécessaire pour le moment. "La métropole, au niveau de la qualité de l'air, est conforme à la réglementation européenne", assure Gilles Vincent ». Gilles Vincent est vice-président en charge de la protection de l’environnement, développement durable, transition écologique et énergétique président du Syndicat mixte intercommunal de transport et de traitement des ordures ménagères de l'aire toulonnaise (Sittomat) et tutti quanti, il sait donc de quoi il parle…
Hélas patatras, le lendemain, le 27 décembre 2024, les niveaux de particules fines (PM10) atteignent le niveau 1 d'alerte, dépassant 50 µg/m³, la limite journalière fixée par la réglementation avec des niveaux d’ozone dépassant le seuil réglementaire. Le préfet de la région PACA déclenchait la procédure d'alerte à la pollution aux particules fines de niveau 1 pour le Var. Dans un communiqué, il précise qu'une "procédure d’information-recommandation est activée pour un épisode de pollution de l’air aux particules fines dans le Var, liées au chauffage, trafic routier et activités industrielles" et recommande de réduire les "activités physiques et sportives intenses (dont les compétitions)", mais aussi recommande de limiter les "déplacements privés et professionnels, ainsi que l’usage de véhicules automobiles en privilégiant le covoiturage et les transports en commun".
Qu’on se rassure, ces limitations ne concernaient pas les ferries qui ont continué leurs navettes quotidiennes entre Toulon et les ports corses en polluant l’atmosphère. De plus, chaque ferry pouvant transporter jusqu’à 500 véhicules, ce sont des centaines de véhicules qui ont pollué l’air de la métropole en embarquant ou débarquant en plein centre ville de Toulon !
Qu’en a-t-il été de cette pollution annoncée ? Eh bien oui elle a bien eu lieu. Des pics de pollutions aux particules en suspension de tailles inférieures à 2,5µm (PM2,5) et 10µm (PM10) mais aussi en dioxyde d’azote gazeux (NO2) ont bien été enregistrées aux 3 stations toulonnaises et à celle de La Seyne de l’association Atmosud avec des concentrations préoccupantes dans l’air que nous respirons.
Evolution au cours du temps des concentrations des polluants intégrés sur 15 minutes. Des pics de concentrations dépassant les 80 µg/m3 de NO2 et dépassant les 100 µg/m3 de particules en suspension de tailles inférieures à 10µm ont été observées sur des période de 15 minutes entre le 25 décembre 2024 et le 1er janvier 2025.
Alors qu’en est-il pour notre santé ?
Tous les experts et médecins sont d’accord sur les conséquences négatives de ces pollutions de l’air sur notre santé. A partir des derniers résultats des études épidémiologiques et toxicologiques publiées en Europe et en Amérique du Nord, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans son dernier rapport sur le sujet publié en 2021 a établi des valeurs guides de concentrations dans l’air pour 12 polluants atmosphériques. Ces dernières normes sont généralement très inférieures à celles que l’organisation avait recommandées initialement en 2005.
La raison en est indiquée dans le rapport de 2021 : « le dépassement des valeurs guides pour la qualité de l'air (air quality guideline : AQG) est associé à des risques importants pour la santé publique. Ces lignes directrices ne constituent pas des normes juridiquement contraignantes ; cependant, ils fournissent aux États membres de l’OMS un outil fondé sur des données probantes qu’ils peuvent utiliser pour éclairer la législation et les politiques. En fin de compte, l'objectif de ces lignes directrices est de fournir des orientations pour aider à réduire les niveaux de polluants atmosphériques afin de réduire l'énorme fardeau sur la santé résultant de l'exposition à la pollution atmosphérique dans le monde entier ».
Les nouvelles normes de qualité de l’air pour la protection de la santé humaine fixées pour 2030 par la directive européenne révisant la directive 2008/50/CE comparées avec les nouvelles valeurs guides de l’OMS publiées en 2021.
A partir des valeurs guides de l’OMS, des valeurs limites de concentration horaires, journalières et annuelles sont ensuite établies par les pouvoirs politiques pour 12 polluants atmosphériques.
Ainsi, à partir des nouvelles recommandations publiées par l’OMS des nouvelles normes européennes ont été adoptées le 24 avril 2024 par le Parlement européen, pour être appliquées à partir de 2030. Elles abaissent la majorité des normes actuelles datant de 2008 mais malheureusement elles ne seront pas aussi contraignantes que les valeurs guides de l’OMS.
Cela sera malgré tout un progrès puisque qu’actuellement pour les deux polluants ayant la plus forte incidence sur la santé humaine, à savoir les PM2,5 et le NO2, il n’y a pas de norme journalière définie dans la réglementation ! Pour ces deux polluants, les valeurs limites journalières européennes devront être appliquées en 2030 dans les pays de l’Union et celles annuelles doivent être réduites de plus de moitié, passant respectivement de 25 µg/m³ à 10 µg/m³ et de 40 µg/m³ à 20 µg/m³.
Evolution journalière des concentrations en NO2, PM10 et PM2,5 entre le 20 décembre 2024 et le 3 janvier 2025 mesurées aux stations de Toulon Claret, Foche, TCA et de La Seyne sur mer. Les données de la station Esterel sont représentées pour comparaison avec un site hors de l’influence immédiate d’une zone urbaine. Pendant la période de pollution les concentrations en NO2 atteignent le double de la valeur guide de l’OMS et dépassent les limites européennes prévues pour 2030.
Annoncée par les élus depuis 2019, l'entrée en vigueur de la ZFE pour la métropole est donc encore une fois renvoyée aux calendes grecques sans que l’on en connaisse les raisons. Une arlésienne locale qui occupe les esprits. Certains disent que c’est à cause des retards pris dans la mise en place des transports collectifs en site propre, du bus à haut niveau de service (BHNS), du tramway, etc. qui seraient des alternatives au déplacement utilisant les véhicules individuels. D’autres que c’est pour maintenir les rotations des Corsica ferries à Toulon.
En effet, comment une ZFE en centre ville pourrait-elle autoriser la présence de navires qui aggravent la pollution par les rejets de polluants de leurs vieux moteurs et de ceux des centaines de véhicules embarquant/débarquant sur les navires à chaque rotation. D’autres encore se posent des questions sur l’impact des rejets atmosphériques de polluants de l’Unité de valorisation énergétique SITTOMAT, etc.
A cette même période les élus en charge de la métropole ont psalmodié sur tous les médias leurs meilleurs vœux pour 2025 tout en retardant la mise en place de la ZFE prévue au 1er janvier 2025 qui a pourtant pour objectif de réduire l'énorme fardeau sur la santé résultant de l'exposition à la pollution atmosphérique…
Ah oui aussi, la station Atmosud de mesure des polluants de La Seyne sur mer devrait être supprimée alors qu’un nombre de croisiéristes devrait augmenter en 2025 et alors que la nouvelle directive prévoit plus de points de prélèvement de la qualité de l’air dans les villes. Pas de données, pas de problème…
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