Une étude récente publiée dans Communications Earth & Environment révèle un phénomène alarmant et jusqu’ici sous-estimé : les navires déclenchent des émissions massives de méthane (CH₄) dans les zones côtières et portuaires. Voici ce qu’il faut retenir.

Un phénomène méconnu et préoccupant

Les zones côtières et estuariennes sont des sources importantes de méthane, un gaz à effet de serre 28 fois plus puissant que le CO₂ sur un siècle. Les chercheurs ont découvert que le passage des navires dans ces zones peut provoquer des émissions brutales de méthane, en raison des changements de pression et du brassage de l’eau qu’ils engendrent.

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Les variations de pression sous-marines induites par les navires (30 à 60 mbar) entraînent des émissions de méthane à partir des sédiments comparables à celles dues aux variations de pression des marées. Les émissions de méthane induites par les navires correspondent à une augmentation de 22 % des équivalents dioxyde de carbone émis, par rapport aux émissions liées à la combustion. (Souce : Communications Earth & Environment volume 6, Article number: 380 (2025).)

Dans la baie de Neva (Russie), une zone très fréquentée par les navires, les émissions de méthane mesurées atteignent 11,1 mmol/m²/jour, un niveau 10 à 1 000 fois supérieur aux flux moyens observés dans d’autres zones côtières. Ces émissions sont comparables à celles des "points chauds" de méthane.

Comment les navires déclenchent-ils ces émissions ?

Plusieurs mécanismes sont en jeu :

  • Les changements de pression : Le passage d’un navire crée une baisse de pression sur le fond marin, ce qui libère des bulles de méthane piégées dans les sédiments.
  • Le brassage de l’eau : Les hélices et le sillage des navires mélangent la colonne d’eau, favorisant la remontée du méthane dissous vers la surface.
  • La taille et la vitesse des navires : Les grands navires (porte-conteneurs, ferries, croisiéristes) et ceux naviguant à haute vitesse provoquent les émissions les plus importantes.

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Ces résultats démontrent la nécessité d'inclure les voies de navigation dans l'évaluation des émissions de méthane estuariennes et côtières lors des calculs d’impact de ces activités (Photographie du Mega Smeralda de la Corsica ferries prise le 31 aout 2025 à 9h00 en sortie de la petite rade de Toulon).

Les chercheurs ont observé que 28 % des passages de navires dans la baie de Neva déclenchaient des émissions significatives de méthane. Les porte-conteneurs et les navires de croisière étaient les plus concernés, avec des émissions jusqu’à 10 fois supérieures à la moyenne.

Un impact climatique sous-estimé

Les émissions de méthane déclenchées par les navires ne sont pas prises en compte dans les inventaires actuels des gaz à effet de serre. Pourtant, elles pourraient représenter jusqu’à 22 % des émissions équivalentes de CO₂ liées au trafic maritime, en plus des émissions directes des moteurs.

Cette découverte souligne l’urgence d’intégrer ces sources indirectes d’émissions dans les bilans carbone et les stratégies de réduction des gaz à effet de serre. Les zones portuaires comme La Seyne et Toulon, souvent situées dans des estuaires riches en méthane, pourraient être des points chauds d’émissions bien plus importants qu’estimé jusqu’ici.

Quelles solutions ?

Les auteurs de l’étude proposent plusieurs pistes pour limiter ces émissions :

  • Réduire la taille et la vitesse des navires dans les zones sensibles, ce qui diminuerait à la fois les émissions de méthane et le bruit sous-marin.
  • Éviter les zones côtières riches en méthane lors du tracé des routes maritimes.
  • Intégrer ces émissions dans les réglementations internationales, comme celles de l’Organisation Maritime Internationale (OMI).
  • Étudier davantage ce phénomène pour mieux comprendre son ampleur et ses impacts, notamment dans des zones comme la Méditerranée, où le trafic maritime est intense et les écosystèmes côtiers vulnérables.

Un enjeu pour la rade de Toulon et la Méditerranée

Cette étude rappelle que les activités humaines, même indirectement, peuvent aggraver les déséquilibres écologiques et climatiques. Pour la rade de Toulon, comme dans d’autres communes littorales, la régulation du trafic maritime, l’aménagement des ports et la gestion des sédiments doivent prendre en compte ces nouveaux risques.

L’APE83430 appelle à une vigilance accrue sur les projets d’aménagement côtier et portuaire. La prise en compte des émissions indirectes de gaz à effet de serre dans les études d’impact qui devraient être intégrées dans les débats publics transparents sur les choix d’urbanisme et de transport maritime, pour préserver notre environnement et notre santé.

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