Suite au rejet de la demande de l’APE au tribunal administratif de Toulon d’annuler la décision du 30 avril 2019 par laquelle le maire de Saint-Mandrier-sur-Mer a accordé un permis de construire aux sociétés « La Presqu'île » et « CDC-Habitat », l’APE, porte-parole de nombreux mandréens opposés à ce permis, a déposé un pourvoi le 21 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat.

Différents arguments de fond permettaient de soutenir cette demande.

Ainsi, parmi les arguments, l’APE avait fait valoir qu’une étude d’impact du projet de constructions était justifiée par l’existence d’un couloir écologique avec la présence d’espèces protégées sur le site. En effet, le Plan local d’urbanisation (PLU) approuvé en 2017 par la municipalité mentionne l’intérêt de cet espace naturel avec l’engagement de réaliser des inventaires floristique et faunistique sur le site de Pin Rolland avant toute construction (pages 127 et 128 du rapport de présentation). C’était également l’avis donné par la mission régionale d’autorité environnementale de Provence-Alpes-Côte d’Azur lors de l’élaboration du PLU.

Tortue

Légende : « Recommandation 8 : prévoir la réalisation de diagnostics écologiques sur les OAP susceptibles d'impacter des zones écologiques sensibles, notamment celles concernées par la présence potentielle de la Tortue d'Hermann, afin de déterminer le caractère constructible de ces zones au regard de la réglementation sur les espèces protégées ».
Mission régionale d’autorité environnementale de Provence-Alpes-Côte d’Azur
p. 11-12/16.

Les promoteurs n’ayant pas mentionné aux services préfectoraux la présence de ce couloir écologique, ni celle d’espèces protégées sur le site du projet de construction, ils ont été exemptés de toute étude d’impact par arrêté préfectoral.

Le rapporteur public en séance du 1er avril 2021 a indiqué que la décision par laquelle le préfet dispense le pétitionnaire de la réalisation d’une étude environnementale intervient au vu des seules pièces fournies par le pétitionnaire. Après quoi il a considéré qu’en l’espèce les pièces versées ne permettaient pas de conclure à la présence d’espèce protégées sur le terrain d’assiette du projet litigieux mais uniquement à l’existence d’un doute sur cette question.

Ainsi, renversant la charge de preuve, alors que le PLU-2017 et la Mission régionale d’autorité environnementale de la commune requéraient un diagnostic écologique avant la délivrance d’un permis de construire, ce que la municipalité n’a pas jugée nécessaire de faire, il apparait que c’était donc à l’APE de réaliser une étude spécifique sur ce site privé, interdit d’accès par la loi, pour montrer qu’il y a des espèces protégées dans ce couloir écologique.

Le rapporteur en a donc déduit que le préfet avait pu valablement, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, considérer que le projet pouvait être dispensé d’étude environnementale en méconnaissant ou en faisant fi des règles de protection des espèces faunistiques et floristiques prévues par l’article R. 111-26 du code de l’urbanisme...

Hasard malicieux et consternant, du calendrier, saisi par France Nature Environnement, le même Conseil d’État a exigé le 15 avril 2021 du Premier ministre, Jean Castex, que soient prises les dispositions nécessaires pour que les projets susceptibles de nuire à l’environnement ou à la santé humaine soient soumis systématiquement à une étude environnementale préalable.

En effet, la législation européenne impose une telle évaluation d’impacts à chaque entreprise ou collectivité qui souhaite réaliser un aménagement, du rond-point à l’élevage porcin ! Comme nous le constatons à Saint-Mandrier, le droit français, du fait d’une grille de lecture défaillante de cette obligation, permet à bon nombre de projets d’échapper à celle-ci, dont celui de Pin Rolland…

Il y a vraiment de quoi être dépité, puisqu’il faudrait aller maintenant devant la cour européenne de justice pour se faire entendre !

Autre argument présenté au Conseil d’Etat, celui basé sur l’article DG 3 du règlement du plan local d’urbanisme qui prévoit que « les débits de fuite des ouvrages de rétention seront déterminés par les services techniques municipaux lorsqu’il existe un exutoire public (caniveau, vallon public…), ou par une expertise dans les autres cas ».

Aucun document n’a été fourni à ce sujet par les services municipaux.

Pourtant, le débit de fuite prévu par la notice hydraulique du projet des promoteurs précise que « dans le cas d’un évènement pluvial d’occurrence centennale, les débits de ruissellement provenant du bassin versant amont sont de l’ordre de 4,35 m³/s. Afin de gérer ce volume d’eau conséquent, il est prévu de mettre en place des ouvrages de captage et d’évacuation des eaux vers le fossé bordant le chemin départemental 18 ».  Or la capacité d’évacuation du fossé a été estimée au maximum à 0,17 m³/s, fossé qui déborde déjà régulièrement lors des épisodes pluvieux d’importance.

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Légende : Photos produites au Tribunal administratif de Toulon et au Conseil d’Etat pour montrer l’insuffisance du fossé d’évacuation lors des pluies les plus importantes.

L’insuffisance de ce fossé évacuant les eaux pluviales dans la Baie du Lazaret est bien connus de tous les Mandréens, pour autant, l’argument sur la méconnaissance de l’article DG 3 du règlement du plan local d’urbanisme par le projet de construction qui va augmenter significativement l’imperméabilisation de ce secteur et en conséquence les eaux de ruissellement, n’a pas été retenue non plus par le rapporteur.

Un autre argument avancé par les avocats de l’Association concernait le fait que le projet est porté par deux sociétés distinctes, dont l’une, CDC-Habitat, ayant son capital détenu à 100% par l’Etat et ayant la charge de la réalisation de logements au profit de militaire de la Marine Nationale, le permis de construire aurait dû être signé au nom de l’état par le préfet. Le rapporteur a considéré que les personnels de la Marine nationale devant bénéficier de certains logements du projet avaient le statut d’employés et que, dès lors, il n’y avait pas lieu de faire application de l’article L. 422-2 a) du code de l’urbanisme en vertu duquel le préfet est l’autorité compétente pour délivrer ou refuser le permis demandé. Nos amis militaires apprécieront…

Evidemment, ceux qui prônent la bétonisation de la presqu’ile seront satisfaits de la décision prise par le Conseil d’Etat puisque, depuis près de 20 ans, ils ânonnent, comme un mantra, « qu’il est urgent de bâtir » (voir Var-Matin du 13 octobre 2004).

Le résultat de 25 ans de cette politique de bétonisation :

  • 50% de l’ensemble des logements de Saint-Mandrier sont des résidences secondaires
  • 7% de logement sociaux au lieu des 30% exigés par la loi.

Figée dans cette politique archaïque la municipalité continue à autoriser les permis de construire favorisant l’étalement urbain qui grignote les derniers espaces naturels de la presqu’ile, transformant progressivement Saint-Mandrier en un quartier toulonnais de plus sans tenir aucun compte de l’augmentation de la circulation automobile de la région, de la carence des transports publics, des modifications du climat et du souhait d’un nombre grandissant de Mandréens de protéger leur cadre de vie et leur environnement.

La Décision du Conseil d’Etat du 27 avril 2021 a repris l’avis du rapporteur public et ne permet pas d’aller plus avant dans la juridiction française dans une requête en annulation de ce permis de construire, évidemment nous en sommes plus qu’attristés.

Saint-Mandrier perd chaque jour un peu plus ses espaces naturels si chers au cœur des Mandréens. Sans changement de politique d’urbanisation, nous habiterons bientôt dans un quartier urbain au bord de l’eau. Aussi plus que jamais nous restons mobilisés pour protéger ce qui reste d’espaces naturels communs, nous continuerons à nous opposer à la mercantilisation excessive de notre environnement et à cette vision archaïque de notre présent et de notre futur.

« Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu », Bertolt Brecht.