Lors de la réunion de la Commission d’information du port militaire de Toulon qui s’est réunie ce lundi 19 juin 2023, il nous a été confirmé que la mise à niveau du Plan particulier d’intervention (PPI) concernant les installations nucléaires de base secrète (INBS) relevant des activités « défense » du port militaire de Toulon (voir le communiqué du 5 mars 2022) suivait son cours mais avec du retard.
Ainsi le planning concernant l’application concrète de la nouvelle version du PPI aux territoires des 4 communes maintenant concernées Saint-Mandrier, La Seyne, Ollioules et Toulon prendra près de 9 mois de retard par rapport à ca qui avait été annoncé en février 2022.
L’objectif initial d’une mise en place en décembre 2022 pour une adoption prévue en février 2023, est maintenant repoussée au 22-23 novembre 2023, date à laquelle se tiendra finalement l’Exercice national de sûreté nucléaire et de sécurité civile.
Les exercices ont pour objet de tester la sûreté nucléaire des installations afin de réduire la dispersion des éléments radioactifs qui peuvent être rejetés en situation de routine ou accidentelle et ainsi d’en limiter les conséquences pour l'homme et l'environnement.
Il a été précisé que cet exercice aura plus précisément pour objectifs de tester en réel la circulation de l’information entre les structures de commandement, de tester en fictif les mesures de la gestion du trafic routier, autoroutier, ferroviaire et maritime et ce en fonction des mesures de mises à l’abri ou d’évacuation, de tester en réel le déploiement des équipes de mesure de la radioactivité dans l’environnement par le SDIS et l’IRSN et de tester en réel le nouveau dispositif d’alerte à la population. La doctrine nationale étant de déterminer un périmètre de mise à l’abri réflexe à 2 km du site de l’accident, pour cet exercice, il n’a pas encore été décidé si les 4 communes concernées réaliseront cette mise à l’abri en réel ou en fictif.
Pour préparer cet exercice relevant du plan Orsec, un Comité de pilotage a été créé en avril 2023, constitué de représentants des institutions impliquées dans les situations accidentelles. Ce Comité est chargé d’animer et de valider les propositions de quatre groupes de travail : Protection des populations (confinement), Scénario de l’accident simulé (Aspects techniques, environnemental, médiatique et sociétal), Communication (y compris la pression médiatique) et Mesure de la radioactivité (stratégie de mesure de la radioactivité dans l’environnement, engagement et pré positionnement des moyens).
De même, la distribution des comprimés d’iodure de potassium a pris du retard puisque les pharmacies des 4 communes n’ont pas été approvisionnées alors qu’elles devaient initialement l’être pour ce mois de juin 2022 au plus tard. L’appel d’offre pour l’approvisionnement en comprimés devrait cependant être prochainement finalisé et les comprimés distribués dans les pharmacies pour l’exercice de novembre 2023.
Pour rappel, les associations France Nature Environnement Alpes Côte d'Azur (FNE-PACA), FNE-Var, MART et l’APE demandaient la révision du PPI depuis plusieurs années pour que soit, entre autres, intégrée la commune de Saint-Mandrier, soumise aurisque de retombées radioactives sous les vents dominants (Mistral) en cas d’accident nucléaire. En effet, les différentes études d’impact d’un accident nucléaire réalisées par les Associations montrent l’importance des conséquences radiologiques prévisibles de rejets radioactifs dans l’atmosphère et dans les eaux suite à un accident nucléaire d’un navire à propulsion nucléaire ou d’une installation nucléaire à terre, en particulier sur la commune de Saint-Mandrier. Elles préconisaient en particulier l’extension du périmètre du PPI et de pré-distribution d'iode stable, conformément aux recommandations des autorités européennes de sûreté et de radioprotection.
Cette réunion du 19 juin 2023 a été l’occasion pour la Marine nationale (exploitant militaire) des installations nucléaires du site de présenter les principaux résultats de la surveillance radiologique de l’environnement du site. Les résultats des mesures de la radioactivité des différentes composantes de l’environnement (air, eau, sols, faune et flore) montrent en 2021 et 2022 des niveaux très faibles sans impact sur l’environnement et la santé.
Ce point de la réunion a été l’occasion de déplorer la diminution du nombre de mesures de surveillance de la radioactivité de l’environnement disponibles pour le public sur le site internet du réseau national de mesures de la radioactivité de l’environnement (RNM) qui centralise ce type de données. Ce site est pourtant censé rendre accessible au public les résultats des mesures de la radioactivité réalisées en France dans l’environnement et dans les produits alimentaires.
Ainsi il a été pointé par FNE/APE qu’à la date de la réunion, aucune donnée sur les niveaux de la radioactivité de l’environnement toulonnais issue de l’exploitant militaire du site n’était disponible sur le site RNM depuis le début de l’année 2023. De même, il apparait que les données décadaires des radionucléides émetteurs gamma de la station de mesure IRSN de la radioactivité des aérosols de la Seyne sur mer n’apparaissent plus dans le RNM depuis décembre 2022. Seules les données des balises automatiques de mesure du débit de dose gamma ambiant sont reportées.
A ce sujet, dès 2019, lors de la demande de révision du PPI du port militaire de Toulon, les Associations ont demandé l’installation d’une sonde de mesure du débit de dose gamma ambiant sur la presqu’ile ainsi que l’inclusion de la commune.
En outre, depuis 2022, la surveillance radiologique de l’IRSN concernant les composantes de l’environnement et les aliments a été réduite avec une diminution de la fréquence des prélèvements.
Evolution de l’activité volumique (Bq/l) du tritium dans les eaux de mer prélevées à différentes stations dans la rade entre 2019 et 2022 mesurée par l’IRSN et la Marine nationale. Les niveaux observés sont très faibles et sans impact sanitaire. A partir de 2022, l’IRSN a diminué la fréquence des mesures de surveillance en passant de prélèvements mensuels à trimestriels.
La limite de détection des mesures IRSN étant inférieure d’un facteur 10 à celle des mesures de la Marine Nationale ce qui permet de montrer des niveaux parfois supérieurs au niveau du bruit de fond naturel des eaux de mer en tritium (0,2 Bq/l en grisé sur le graphique) sans que la source de ces variations ne soient identifiées (Source RNE).
Par exemple, le tritium, présent en faible quantité dans les eaux de la rade n’est mesuré que quatre fois par an au lieu de 12 fois, alors que les niveaux sont régulièrement supérieurs au niveau naturel sans que la source d’apport soit identifiée. Pour 2022, les résultats de mesures mensuels à vocation sanitaire transmis par la Marine nationale étant inférieurs aux limites de détection supérieures d’un facteur 10 au bruit de fond naturel ne permettent donc pas de préciser ses fluctuations de faibles amplitudes.
De même nous avons mentionné l’absence de données disponibles concernant l’impact des travaux en cours dans le milieu marin de la rade de Toulon. En effet, les résultats des activités de certains radionucléides montrent des évolutions marquées au cours du temps.
C’est le cas par exemple des activités massiques du plomb-210 mesurées dans les mollusques prélevés dans la rade qui semble montrer une augmentation au cours du temps. Le plomb-210 est un radionucléide naturel qui permet de quantifier les taux de sédiments remis en suspension et ceux de transport des particules.
Ainsi après la fermeture du laboratoire de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire de la Seyne sur mer le 1er juillet 2016, dédié à la radioécologie marine et participant à la surveillance du territoire national et de ses façades maritimes, la préparation à la crise et à la gestion de situations post-accidentelles, force est de constater maintenant l’allégement du dispositif de surveillance de la radioactivité de l’environnement. Alors que les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de la classe Suffren vont progressivement remplacer ceux de la classe Rubis équipés de réacteur moins puissant, qu’un nouveau porte-avion plus puissant est à l’étude, cette évolution inquiète les Associations. Faut-il rappeler les incendies à Toulon du SNA Perle le 12 juin 2020 et du 26 septembre 2022 qui ont montré s’il était encore besoin que le risque zéro n’existe pas...