Lors de l’incendie du sous-marin nucléaire d'attaque Perle, le niveau du débit de dose gamma ambiant de la sonde de télémesure de la Seyne sur mer a doublé le 12 juin, passant de 58 nSv/h à 20h00 (UTC +2) à 104 nSv/h atteignant un maximum de 111 nSv/h à minuit pour redescendre à sa valeur habituelle de 61 nSv/h à partir de 4h00 le lendemain matin du 13 juin. Les deux autres stations à proximité de la base n’ont mesuré aucune élévation du niveau de la dose gamma ambiante.
Evolution des niveaux horaires du débit de dose gamma ambiant à la station de la Seyne sur mer du 10 mai au 15 juin 2020 (source : https://remap.jrc.ec.europa.eu/Advanced.aspx).
L’examen des valeurs du débit de dose gamma de la station de la Seyne depuis le 10 mai montre que la sonde de mesure enregistre durant les deux dernières semaines des fluctuations répétées durant les soirées et nuit des jours ouvrables, entre 20 h00 et 4h00 du matin.
Les fluctuations du niveau de dose observées à la station de la Seyne, y compris les valeurs maximales (139 nSv/h), n’entraînent pas d’augmentation significative du risque sanitaire. Le niveau résultant de la radioactivité naturelle de la dose horaire moyenne mesuré habituellement par exemple à Brest atteint ainsi 120 nSv/h.
Cependant, le doublement régulier de la dose à cette station interpelle. En premier lieu, parceque les fluctuations observées durant ces deux dernières semaines sont certainement liées à une activité humaine et qu’elles correspondent aux plus fortes valeurs mesurées de la série de valeurs journalières disponibles depuis 2018. L’impact en termes de mesure peut donc être qualifié de significatif.
Evolution des niveaux moyens journaliers du débit de dose gamma ambiant à la station de la Seyne sur mer du 27 septembre 2018 au 7 juin 2020
(Source : https://www.mesure-radioactivite.fr/#/expert).
L’édition de Var-Matin du 16 juin indique que d’après l’IRSN les pics observés correspondraient à des tirs de gammagraphie qui seraient effectués par la CNIM dans l’un de ses bâtiments qui se trouve dans la zone portuaire de Brégaillon. La radiographie industrielle gamma est réalisée au moyen d’un appareil fixe, mobile ou portatif (le gammagraphe) contenant une sources scellée de haute activité de rayonnement gamma. Cette technique est utilisée, entre autres, pour vérifier la qualité de soudures.
la zone d’opération d’un gammagraphe fait l’objet d’un balisage avec une signalisation. Suivant les niveaux de débits de dose attendus, différentes sous-zones sont définies (zone surveillée, contrôlée, interdite d’accès à toute personne non autorisée).
La sonde de télémesure de l’IRSN est située à environ 400 m du bâtiment de la CNIM situé sur le site de Bregaillon. En se rapprochant de la source, le débit de dose augmente et sera donc plus élevé à proximité de la source.
Les niveaux de dose ambiant peuvent faire l’objet d’une première approximation en fonction de la distance de la source de gammamétrie par une loi mathématique très simple car le débit de dose d'une source radioactive ponctuelle est inversement proportionnel au carré de la distance.
Ainsi sur la base des résultats de mesure de la sonde IRSN positionné à 400m environ de la source, le débit de dose peut être estimé à différentes distances avec cette loi. Pour le vérifier, prenons le résultat de mesure de 300 nSv/h donné par un ictomètre portable dans la nuit du 12 au 13 juin entre minuit et 1 heure du matin sur la route à environ 150m du bâtiment CNIM. La mesure de la sonde fluctue en 111 et 109 nSv/h entre minuit et 1 heure du matin. Partant de ces valeurs on obtient des valeurs théoriques comprises entre 348 [(111*400²)/150²] et 355 nSv/h [(109*400²)/150²], du même ordre de grandeur que celle mesurée par l’ictomètre.
Ainsi, par exemple si la dose à la station de mesure ajoutée à la dose naturelle est due à une source ponctuelle située à 300 m (avec un parcours dans l’air sans écran dû à un ou des bâtiments), alors elle atteindra pour les « tirs » effectués pendant les deux dernières semaines de l’ordre de 0,001 mSv à comparer à une exposition moyenne d’une personne résidant en France de 4,5 mSv/an (Source IRSN https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Sante/exposition-population/exposition-population-france-metropole/Pages/0-Exposition-population-France-Sommaire.aspx#.Xue7E5k69aM). Si vous souhaitez calculer votre dose annuelle n’hésitez pas à consulter le site : https://expop.irsn.fr/
Par contre, en se rapprochant de la source, la dose ajoutée par ces « tirs » augmente, ainsi à 100m elle sera en première approximation de l’ordre de 0,015 mSv et de 1,4 mSv à 10m. D’où l’intérêt de connaitre les caractéristiques de la source à l'origine du doublement de débit de dose observée à la station de la Seyne, du moins l’intérêt de l’APE...
L’APE a demandé l’installation d’une sonde de mesure du débit de dose gamma ambiant sur la presqu’ile ainsi que l’inclusion de la commune lors de la révision du PPI du port militaire de Toulon.
En attendant que cette demande soit satisfaite, vous trouverez les niveaux de débit de dose mesurés aux stations les plus proches de la presqu’ile. Les informations sont issues de l'organisme de contrôle de la radioactivité de la communauté europénne, site internet https://remon.jrc.ec.europa.eu/. Pour visualiser les résultats de mesures, cliquez sur les stations de cet encart ou zoomez à votre convenance pour trouver d’autres stations plus éloignées.
L'onglet "Débit de dose gamma" donne la valeur moyenne calculée à partir des mesures des dernières 24 heures.
L'onglet "Réseaux de télésurveillance" donne l'évolution au cours des dernières heures et des dernières semaines.
Une analyse horaire de l’évolution des valeurs de dose gamma ambiant transmises par la sonde de télémesure de la station de la Seyne sur mer montre que les données de 22 heures le 12 juin à 1 heure du matin le 13 juin sont absentes des reportings européens de la surveillance radiologique alors que la sonde indiquait des valeurs supérieur à 110 nSv/h. En outre à 1h40 du matin, la sonde indiquait 115 nSv/h alors que le reporting sur le site européen indique pour 2h00 UTC du matin une valeur de 61 nSv/h. Etrange ?
Evolution des niveau horaire de dose gamma ambiant à la station de la Seyne pendant la nuit du 12 au 13 juin 2020.
Ces observations, nous ont amené à réaliser une analyse plus poussées des données disponibles puisque les communiqués Défense indiquent l’absence de matériau radioactif dans le sous-marin (hors enceinte du réacteur) et que l’incendie n’aurait pas touché le compartiment réacteur du sous-marin.
L’analyse au cours du temps des dernières données transmises par la sonde de télémesure montre par exemple que sur la dernière semaine comprise entre le 7 juin et le 13 juin, chaque jour ouvrable de la semaine il y a un pic d’activité entre 18h00 le soir et 1h00 du matin le lendemain. Le week-end ce pic n’est pas observé.
Evolution des niveau horaire de dose gamma ambiant à la station de la Seyne du 6 au 13 juin 2020
Il y a donc une raison très certainement liée à une activité humaine nocturne qui explique cette variation de radioactivité journalière. Le pic observé dans la nuit du 12 au 13 juin ne serait donc pas lié à d’éventuels rejets radioactifs lors de l’incendie du SNA Perle.
Reste donc maintenant à connaître l’activité humaine qui génère cette variation de dose durant les jours ouvrables de la semaine et savoir pourquoi des données de mesures réalisées la nuit du 12 au 13 juin ont été supprimées.
Jusqu’à 2 heures du matin, la sonde de télémesure de la station de la Seyne sur mer a continué à transmettre des niveaux horaires de dose gamma ambiant inhabituels pour cette station, dépassant les 100 nSv/h, à comparer à une valeur moyenne horaire de 64 nSv/h. Ces valeurs, calculées automatiquement et dépassant de plus de 50% la valeur moyenne habituelle de cette station, apparaissaient en attente de validation.
Evolution des niveau de dose gamma ambiant à la station de la Seyne pendant la nuit du 13 juin 2020.
A partir de 3 heures du matin les niveaux mesurés à la station de la Seyne sur mer étaient revenus à des valeurs normales pour cette station. Les deux autres stations de mesure de Toulon-Arsenal et Toulon n’ont pas montré de fluctuations anormales pendant la nuit.
Niveaux de dose gamma ambiant le 13 juin 2020 à 2h00 du matin.
Des mesures instantanées moins précises réalisées à l’aide d’un ictomètre portable à la Seyne sur mer sur le port à 23 heures le 12 juin montrent effectivement des valeurs instantanées du débit de dose gamma ambiant atteignant 0,3 µSv/h, soit donc 300 nSv/h sous forme de bouffées successives …..
Les marins-pompiers de la base navale de Toulon, avec le renfort des pompiers du SDIS83 et des marins-pompiers de Marseille étaient toujours en opération en fin de journée.
A 22 heures les sondes de mesure de la radioactivité ambiante située à Toulon et dans l’arsenal donnaient des valeurs de débit de doses proches de leur moyenne habituelle, respectivement 60 nSv/h (moyenne habituelle : 60 nSv/h) et 68 nSv/h (moyenne habituelle : 72 nSv/h).
Par contre, la station de la Seyne sur mer donnait des niveaux horaires de dose inhabituels pour cette stations, dépassant les 104 nSv/h, à comparer à une moyenne horaire de 64 nSv/h. Ces données mesurées automatiquement et dépassant de plus de 50% la valeur moyenne apparaissent en attente de validation.
Dans la région, seule la station de la Seyne sur mer est en écart par rapport aux valeurs moyennes habituelles de la dose gamma ambiant. A 22h00, le vent soufflait du 140° avec des vitesses faiblissant de l’ordre de 29 km/h (8 m/s).
Lors de l’exercice de crise nucléaire qui avait été mené le 12 et 13 décembre 2019 (voir cette fiche de l'APE) un rejet concerté de radionucléides à partir du porte-avions avait été prévu à 12h00 le 13 décembre avec un vent du 135° soufflant vers le nord-ouest à une vitesse de 3,0 m/s. La dispersion des radionucléides libérés dans l’atmosphère lors du rejet a été calculé par l’Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN) pour le compte de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Bien qu’ils ne soient pas directement sous le vent de l’événement, l’ASN avait décidé d’inclure également les quartiers d’Ollioules et de la Seyne-sur-mer situés et identifiés dans les éléments cartographiques du PPI à moins de 2 km du porte-avions dans l’exercice de crise.
Le Perle est le dernier-né de la série de la flotte des 6 sous-marins d’attaque (SNA) de la classe Rubis. Mis en service en 1993, il est en Indisponibilité périodique pour entretien et réparation (IPER), un terme utilisé par la Marine nationale française pour l’entretien de ses navires. Le Perle est en cale sèche depuis le 13 janvier dernier dans la zone Missiessy de la base navale.
L’importance et la durée du sinistre peuvent laisser penser que le feu a d’ores et déjà endommagé le câblage, voire les structures du navire.