Comme l’aurait dit un général, un quarteron de responsables politiques affirmant leur soutien au président de la République lui demandent dans une récente tribune (Marianne, 25 février) d'aller plus loin dans l'écologie du « en même temps ». Car, en effet, ils font un constat saignant de la situation « Devant l'effondrement du vivant, la déstabilisation des écosystèmes, l'artificialisation des sols, le drame des particules fines ou la pollution marine, il n'est plus question de politique aveuglement partisane ! »
Les associations de protection de l’environnement, les citoyens et citoyennes ne pourront qu’être d’accord sur ce constat qui fait l’objet de propositions toujours différées. Comment l’une des signataires, Mme Muschotti, députée macroniste du Var de la première heure va-t-elle s’y prendre pour convaincre les macronistes locaux et régionaux de la dernière heure d’agir à la hauteur des enjeux …
Ainsi, rien n’est dit sur les mesures attendues depuis des années pour que l’atmosphère de notre région ne soit plus polluée régulièrement par les particules fines et moins fines émises par les ferries et les embouteillages malgré les affirmations d’actions des grands diseurs et petits faiseurs…
Un magnifique croissant de lune ce matin au-dessus du Méga Express Four entrant dans la grande rade pour rejoindre le port de Toulon.
La triste réalité : particules fines et autres polluants dans le panache du Méga Express Four dans la rade puis à quai se dispersant au-dessus de la zone portuaire. On vous rassure, aucune station de mesure de la qualité de l’air ne les a détectées…
Le 9 février, annonçant la tenue du One Ocean Summit à Brest, le Président de la République assure que c’est le moment « de relever le niveau de la communauté internationale sur les sujets maritimes… One Ocean Summit aue la France accueillera pour mobiliser, agir concrètement chacune et chacun à notre niveau… Ce sommet montrera qu’il est non seulement possible d’agir mais que nous avons pris la mesure de l’urgence pour renverser la tendance… Alors engageons-nous tous ensemble sans attendre pour l’océan, pour notre océan, notre bien commun ».
Cependant, après un quinquennat d’incohérence entre les discours et les actes… on sature. Et les océans aussi. Un dernier exemple récent parmi tant d’autres, celui des pollutions générées par les ferries, paquebots et navires de transport de marchandises dont le nombre semble croitre sans limite.
Aussi, la réduction des émissions atmosphériques polluantes en oxydes de soufre (SOx) et d’azote (NOx) provenant des gaz d’échappement de tous ces navires est au cœur des enjeux de la transition écologique et des combats de nombreuses associations de protection.
Photo : Emissions polluantes dans l’atmosphère des ferries en rade de Toulon (13 Juin 2021)
Certes, depuis 2005, la teneur en soufre des combustibles pouvant être utilisés par les navires a été progressivement réduite, passant de 4,5 % à 0,5 % en 2020 dans nos ports méditerranéens (voir notre post 1er janvier 2020 : Le fuel lourd est mort ! Vive le fuel lourd avec scrubber ![1]). Aussi, pour continuer à utiliser du fioul lourd à 4,5 % moins cher que celui à 0,5%, un grand nombre d’armateurs ont équipé leurs navires de systèmes d'épuration des gaz d'échappement (EGCS) encore appelés scrubbers.
L’année dernière, l’incendie du SNA Perle le 12 juin 2020 avait amené France nature environnement, l’Union départementale Vie et Nature et l’APE à réitérer auprès de M. le préfet notre demande de révision du Plan Particulier d'Intervention (PPI) nucléaire du port de militaire de Toulon en vigueur depuis février 2012. Ce 17 décembre, ces mêmes associations ont transmis un nouveau courrier demandant cette révision pour y intégrer la presqu’ile de Saint Mandrier.
En effet, le "scénario-enveloppe" du PPI qui considère un accident à cinétique lente avec des rejets de courtes durées (6 heures après le début de l’alerte) n’apparaît pas réaliste puisque l’incendie du Perle n’a été finalement circonscrit qu’après 14 heures de lutte. Autre cas récent, celui de l’incendie du porte-avions américain Bonhomme Richard, le 16 juillet 2020, qui n’a été maitrisé qu’après 4 jours d’intervention.
Photo : Incendie du Perle (Source : Actualité Toulon 83 sur Facebook)
Plus récemment encore, l’abordage du porte-avions nucléaire Charles de Gaulle avec un voilier, après celui avec le pétrolier-ravitailleur Meuse, montrent que nos préoccupations quant aux éventuelles conséquences sanitaires d’un accident plus grave qui concernerait la partie réacteur nucléaire d’un bâtiment de la Marine Nationale sont justifiées.
En outre, le PPI-2012 établit les conséquences d’un accident d’un réacteur de SNA de la classe Rubis (K46), soit un réacteur de moindre puissance que ceux du porte-avions Charles de Gaulle et des SNA de classe Suffren (K15 modifié) dont les impacts radiologiques seraient donc plus importants. Ainsi, le PPI prévoit un périmètre de mise à l’abri limité à 2 km du site de l’accident alors que celui du PPI du site CEA de Cadarache qui accueille le réacteur d'essais à terre, version modifiée des réacteurs de type K15, s’étend jusqu’à 5 km autour du centre nucléaire.
Photos : Sous-marins croisant d’autres navires
Pour soutenir la demande de révision du PPI, les associations APE, UDVN-FNE83 et FNE PACA ont réalisé une nouvelle analyse des études réalisées sur l’impact sur le domaine marin d’un accident nucléaire dans le port militaire ou à proximité. Ces études concluent à une contamination radioactive immédiate des eaux littorales de la Presqu’ile de Saint-Mandrier suite à des rejets de radioactivité dans le port militaire ou au large de la presqu’ile.
Simulation de la dispersion au cours du temps de la fraction dissoute de césium-137 dans la couche superficielle des eaux marines à la suite d’un rejet accidentel théorique de 1GBq. La radioactivité volumique est représentée à l'aide d'une échelle logarithmique sur les cartes vectorielles des courants marins. Source IRSN.
Cette analyse complète une première note transmise en 2019 concernant l’impact sur la presqu’ile de Saint-Mandrier de rejets gazeux radioactives en cas d’accident nucléaire.
Simulation d’un rejet théorique de 1 gBq par vent de Mistral. Cartographie de la dispersion atmosphérique et des dépôts de césium-137 (Bq/m2) cumulé sur 24 heures. Source IRSN.
Les mises à jour nécessaires des données réacteur, du scénario d’accident et de nos analyses confortent donc notre demande d’extension du PPI à 5 km et d'y inclure la commune de Saint-Mandrier.
Les résultats des simulations des deux notes sur les rejets gazeux atmosphériques et liquides en milieu marin justifient de prédéfinir les zones d’application des mesures de protection pour les populations de Saint-Mandrier en intégrant les évolutions apportées à la doctrine nationale, à savoir :
Les évolutions des mesures de protection mentionnées plus haut devraient être présentées lors des réunions des commissions d'information et des comités départementaux de sécurité civile, afin que cette demande d’inclusion de Saint-Mandrier dans le PPI puisse faire l’objet de discussions au sein de ces instances locales. |
Pour en savoir plus
- PPI Nucléaire du port militaire de Toulon : http://www.var.gouv.fr/IMG/pdf/PPI_20FEV_version_portail_internet_cle58e482.pdf
- Note d’analyse APE PPI Impact des rejets radioactifs atmosphériques sur la presqu’ile de Saint-Mandrier : lien de téléchargement.
- Note d’analyse APE de décembre 2021 PPI Impact des rejets radioactifs liquides sur la presqu’ile de Saint-Mandrier : lien de téléchargement
Aujourd’hui, malheureusement les principales pollutions classiques des eaux marines étaient une fois de plus bien visibles dans le port :
- des hydrocarbures irisaient la surface de l’eau. Leur évaporation est néfaste à la santé de ceux qui les respirent. Du point de vue environnemental, ces produits, en plus des additifs qu’ils contiennent, génèrent des molécules toxiques en quantité importante dans la colonne d’eau.
Lorsque les eaux portuaires sont turbides, ces molécules se fixent sur la matière en suspension qui se déposent sur le fond et contaminent les sédiments. Dans les eaux et dans les sédiments ces molécules toxiques ont un effet sur la biodiversité et contaminent les organismes qui survivent ou transitent dans les eaux du port.
- des macrodéchets flottaient également en grand nombre à la surface des eaux, en particulier de nombreux débris en plastique. Ces déchets, liés aux activités se déroulant sur ou à proximité des plans d’eau, y sont amenés par le vent ou jetés volontairement à la mer.
Ces macrodéchets vont se dégrader progressivement en microparticules qui vont être assimilées par les différents organismes marins, par exemple par ingestion. Toutes les fractions contamineront les différents échelons des chaines alimentaires avec des effets de bioaccumulation.
C'est le signal d'alarme que lancent Réseau Action Climat et Unicef France dans un rapport publié sur la base d’études scientifiques à l'occasion de la Journée nationale de la qualité de l'air.
Ce constat "s'explique par une exposition plus importante à la pollution atmosphérique (selon les normes de l’Organisation mondiale de la santé - OMS) dans les villes, où vivent la plupart des enfants", précise le rapport. C’est évidemment le cas également de leurs parents mais pour les enfants cela est d’autant plus critique compte tenu de leurs spécificités physiologiques (poumons en formation et rythme de respiration plus élevé) différentes de celles des adultes.
Le rapport indique que « les enfants pauvres sont susceptibles de cumuler d’autres nuisances de leur environnement qui les rend plus vulnérables aux effets de la pollution de l’air. Cela s’explique par le fait que la pauvreté est généralement associée à des conditions de vie plus difficiles, fragilisant leur état de santé : logement précaire, exposition accrue au stress, alimentation de moindre qualité, moindre accès aux soins de santé ».
Les organisations avancent plusieurs propositions « afin que les politiques de lutte contre la pollution de l’air ne contribuent pas de façon involontaire à creuser les inégalités sociales, en particulier à l’encontre des enfants pauvres ». Elles proposent de « systématiser la prise en compte des enjeux sociaux dans les études d’impact », de « s’assurer que les bénéfices sanitaires des zones à faibles émissions (ZFE) profitent à tous », ou encore de « s’assurer que les nouvelles constructions des bâtiments recevant des enfants soient à distance des sources d’émission de polluants atmosphériques ». Pour notre région il n’y a pas de risque d’inégalité pour les ZFE, aucune n’a été définie !
Dans le contexte de qualité de l’air, l’Agence européenne pour l’environnement et l’Agence européenne pour la sécurité maritime viennent de publier le rapport environnemental sur le transport maritime européen. Le rapport précise que les navires produisent 13,5 % de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre provenant des transports dans l’UE, derrière les émissions du transport routier (71 %) et de l’aviation (14,4 %). Les émissions de dioxyde de soufre (SO2) des navires faisant escale dans les ports européens atteignaient environ 1,63 millions de tonnes en 2019.
Vendredi 8 octobre 2021, les fumées du vénérable ferry Sardinia Vera construit il y a 46 ans s’envolent vers Toulon…
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